Zone/ Mathias énard
2017
« Lebihan le pelé au Wepler avait lui aussi un cadeau pour moi, (…) il m’a dit Francis je vous ai sorti ces pages, lisez-les, c’est instructif, et prenez-en acte, il s’agissait de mon dossier personnel, l’enquête préliminaire, mes notations diverses, mes affectations, mes demandes de congé, mes absences,mes parents, mes amitiés politiques adolescentes, mes états de service militaires, ma vie, y compris les activités croates et bosniaques, des mots comme crimes de guerre, exactions, tortures, les noms de mes supérieurs d’alors, les parties du dossier du Tribunal pénal international sur la vallée de la Lašva qui me concernaient, ces notes dataient de bien après mon entrée en fonction, les forces de l’ombre ne se trompent pas, à surveiller, un profil psychologique me définissait récemment comme tendant vers l’alcoolisme et la dépression, à écarter des responsabilités, néanmoins j’étais crédité de fidélité, patriotisme et intégrité, peu susceptible d’être manoeuvré par l’extérieur, pas intéressé par l’argent, seul loisir connu : historien amateur,(…) j’ai pris acte, comme disait Lebihan, j’ai vérifié que les résultats de l’enquête ne mentionnaient pas Yvan Deroy le fou, perdu dans mon adolescence, j’ai usurpé facilement son identité, liquidé mon appartement et adieu, me voilà dans un train qui approche de Rome, qui approche de la fin du monde»
Extraits de “Zone” de Mathias Énard, Editions Actes Sud.
À bord d’un train à destination du Vatican en compagnie d’un passager porteur d’un triste morceau du passé, Zone nous emmène dans une sorte de «road movie» ferroviaire qui nous plonge dans les souvenirs de ce voyageur de la nuit où s’entremêle réminiscences et événements marquants du XXe siècle. Zone raconte l’histoire de cet homme transformé par la guerre à laquelle il a participé.
Zone nous happe dans une longue phrase de 500 pages dans les pensées de ce soudard balkanique et nous immerge dans la tête de ce personnage tourmenté par ses actions passées. Par ce voyage jusqu’à Rome, Francis voit le moyen de mettre un terme à cette vie d’agent de renseignement, et dans son train qui l’emmène à la fin du monde.
Avec un passeport usurpé au nom d’Yvan Deroy, vieil ami interné depuis très longtemps dans une institution pour psychotiques, Francis nous emporte aux confins de ses souvenirs nébuleux entre l’Allemagne, l’Italie, l’imbroglio des Balkans, l’Algérie et le proche Orient enflammé…
Francis nous raconte ses guerres, ses amours, sa vie, ses blessures et cicatrices laissées par son implication dans le conflit qui a embrasé les Balkans.